Par Francisque JEAN-CHARLES.-    

Né esclave le 20 mai 1743 sur l’habitation Breda, au Haut du Cap, dans le Nord de l’île de Saint Domingue, François-Dominique Toussaint, fut un petit-fils de Gayou Guinou, Roi des Aradas. Il fut employé en tant que domestique et comme cocher par son maître Bayon de Libertat, alors intendant de la propriété appartenant au Comte de Noé, ce qui lui évita l’exploitation, rythmée à coups de fouet, qui sévit dans les champs de canne à sucre.1

            Marié à une négresse, Suzanne Simon-Baptiste mère d’un fils mulâtre, Placide qu’il adopta; Toussaint mena une vie tranquille et régulière. À 40 ans lui vint le désir ardent de s’instruire. Il se mit à l’école de son parrain Pierre Baptiste qui l’enseigna lui-même tout ce qu’il savait ; pas grande chose, dit-on. Grâce à son intelligence exceptionnelle, il compléta sa formation en lisant la traduction française des Commentaires sur la guerre des Gaules, un ouvrage d’histoire en sept livres ou Jules César, ce personnage politique et militaire de l’antiquité, raconte sa victorieuse guerre des Gaules.2

Toussaint lit aussi « Les Rêveries », ou Mémoires sur l’art de guerre, ouvrage posthume de Maurice, comte de saxe3, l’histoire des guerres d’Hérodote, qui retrace les relations gréco-perses et qui rassemble une mine d’informations historiques et ethnographiques. Il est bien le « père de l’histoire ».4In fine, il savoura avec passion les œuvres philosophiques et humanitaires de l’Abbé Raynal, connu par Bancorel (2007)5 pour « être le précurseur de la lutte contre l’esclavage » en décrivant le monde dans sa globalité pour servir les progrès du genre humain.

En 1776, Toussaint Bréda, ainsi se nomme-t-il, obtint son affranchissement et échappa à l’esclavage qui frappait l’immense majorité des habitants noirs. Jouissant d’une relative liberté, il se dédia à l’agriculture et prit la tête d’une petite propriété entretenue par 13 esclaves, dont l’un d’eux — Jean-Jacques Dessalines — deviendra son fidèle lieutenant et marquera l’histoire d’Hayti.6

En 1789, lorsqu’éclata la Révolution française menée par la bourgeoisie d’affaires qui tenait entre ses mains le pouvoir économique et qui aspirait à obtenir le pouvoir politique, Saint-Domingue jouissait d’une prospérité notable grâce à l’exploitation de quelque 550 000 esclaves.

Les riches colons de Saint-Domingue voyaient dans cette révolution l’occasion favorable pour se soustraire à ce qu’ils appelaient le « despotisme de l’armée » et la « tyrannie du ministère métropolitain ». Passant de la parole aux actes, ils se réunissaient à Saint-Marc, dans l’Artibonite le 15 avril 1790 pour constituer une assemblée dite Assemblée Générale de la Partie Française de Saint-Domingue, dans le but de devenir une alliée de la métropole.7

Cette assemblée générale avait pris un décret le 28 mai 1790 laquelle vise sinon l’indépendance  du moins son autonomie territoriale et du même coup décider le sort des affranchis et des esclaves. Un tel décret révolta le colonel-général Vincent Ogé, fraichement débarqué à Saint-Domingue. Il réclama l’exécution du décret du 8 mars 1790 voté par l’Assemblée Nationale en faveur des hommes de couleur tout en adressant avec enthousiasme une correspondance au Comte Peynier le 21 octobre 1790 dans laquelle on lit : « Non, non monsieur le Comte, nous ne resterons plus sous le joug, comme nous avons été depuis deux siècles : la verge de fer qui nous a frappés est rompue. Nous réclamons l’exécution de ce décret … Évitez donc, par votre prudence, un mal que vous ne pourriez calmer. Ma profession de foi est de faire exécuter le décret que j’ai concouru à obtenir, de repousser la force par la force et, enfin, de faire cesser un préjugé aussi injuste que barbare ».8

En réponse à cette correspondance, les têtes fraternelles de Vincent Ogé et de Jean Baptiste Chavanne, son ami, furent tranchées le 23 février 1791, et exposées sur des piques le long de la route du Cap à la Grande-Rivière de manière à décourager toute autres srevendications contre l’Assemblée.

Néanmoins, le martyr des deux héros au contraire enflamma les affranchis. Des hommes impitoyables, vengeurs de leurs pairs, venant du Dondon et de la Grande-Rivière, remplacèrent les têtes d’Ogé et de Chavanne par de nombreuses têtes de blancs exposées à leur tour sur des poteaux. Les colons, allant de défaite en défaite, envahis par la peur, durent rentrer en concession avec les Affranchis de l’Ouest et un concordat fut signé à Damiens le 7 septembre 1791. Par cet accord, « Les blancs s’obligeaient à ne pas s’opposer à l’exécution des décrets de l’assemblée nationale de France en tout ce qui était favorable aux hommes de couleur – l’expression « homes de couleur » s’entendant de tous individus libres, noirs ou sang-mêlés ».9

En prélude à cet accord, dans la nuit du 22 au 23 août 1791 éclata justement une insurrection générale de plusieurs milliers d’esclaves sur plusieurs dizaines de plantations dans le Nord de la colonie française. Lors de la cérémonie politique et spirituelle du Bois-Caïman le 14 août 1791, acte fondateur de la Révolution haytienne, présidée par Dutty Boukman et la prêtresse Célimène La Fatima, Toussaint Louverture, âgé de 48 ans, s’engagea aux côtés des insurgés en tant que naturopathe. Très combatif comme soldat aux côtés des principaux lieutenants Jean-François Papillon, Georges Biassou et Jeannot Bullet, il obtint le grade de colonel lui offrant aussi l’opportunité  rare de fréquenter des royalistes de qui il apprendra l’art de la guerre. Ça lui permit de former des soldats capables de rivaliser avec les meilleures troupes coloniales.10

En 1793, la guerre éclata entre l’Espagne et la France. L’Espagne sollicita l’assistance militaire des insurgés de Toussaint Louverture pour combattre la métropole coloniale française. Le surnommé Fatras Bâton accepta l’offre espagnole dans le but de défaire les Français esclavagistes. À la tête de ses troupes espagnoles, le nouveau général espagnol dans la partie orientale de l’île remporta plusieurs victoires au cours de l’année. Rapidement, il devint le général des armées du roi d’Espagne.

C’est à cette époque qu’on lui donna le surnom de « L’Ouverture ». Et le 29 août 1793, parallèlement à la Proclamation de l’affranchissement général de Sonthonax dans le Nord de Saint-Domingue, Toussaint Louverture lança la déclaration du Camp de Turel, un appel au peuple,. Il proposa à ses compagnons une destinée nouvelle et se présenta comme le leader de la révolution : « J’ai entrepris la vengeance de ma race. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. Déracinez avec moi l’arbre de l’esclavage. » 11

Maximilien Roberspierre,  membre de la société des « Amis des Noirs » aux Jacobins, avait milité dès 1791 contre l’asservissement colonial des peuples de couleur.« Périssent les colonies s’il doit vous en coûter votre honneur, votre gloire, votre liberté. Je le répète : périssent les colonies, [même si] les colons veulent, par des menaces, nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts. Je déclare au nom de l’Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution, au nom de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons aux députés des colonies, ni la nation, ni les colonies, ni l’humanité entière ».12

Ce message émancipateur de la Révolution française porté par la voix de Maximilien Robespierre, guide moral et politique du processus de transformation sociale, irrigua les consciences de tous les habitants des colonies. Les exploités remirent alors en cause les privilèges établis et dénoncèrent les hiérarchies sociales, revendiquant leur droit à la liberté et à l’égalité.

Ce fut cette déclaration subliminale de Toussaint Louverture ce 29 août 1793, qui porta Félicité-Léger Sonthonax, commissaire civil de la République, abolitionniste convaincu, à décréter unilatéralement l’abolition de l’esclavage dans la province Nord de Saint-Domingue afin de mettre un terme à la révolte des insurgés. Et sur la place d’armes de Port-au-Prince le 22 septembre 1793, le commissaire français Étienne Polvérel, un grand registre était ouvert sur l’autel de la patrie ou chaque possesseur d’esclaves  signa la déclaration qu’il reconnaissait libres ses esclaves. Quelle victoire historique sur le racisme !

Dans son discours de circonstance, Sonthonax affirma que sa mission était de « préparer graduellement, sans déchirement et sans secousses, l’affranchissement général des esclaves » et ajouta « La liberté vous fait passer du néant à l’existence ; montrez-vous digne d’elle. Adjurez à jamais l’indolence comme le brigandage. Ayez le couloir d’être un peuple et vous égalerez les nations européennes ».13

Sonthonax de retour de France distribua 20.000 fusils à la masse des nouveaux libres (anciens esclaves) et  dit à chacun d’eux en lui remettant une arme: « Voici la liberté que te donne Sonthonax, celui qui t’enlèvera ce fusil voudra te rendre esclave ».14

La France entérina cette décision. La Convention Nationale le 4 février 1794 abolit l’esclavage dans toutes les colonies, particulièrement l’île de Saint-Domingue. Par cet acte officiel, elle fit citoyens français près d’un million d’esclaves dans toutes les colonies. Le gouverneur général Etienne Bizefranc de Lavaux, en charge de l’île, entra alors en contact avec Toussaint Louverture afin de le convaincre de rejoindre les rangs de la Révolution française.

Déçu par l’attitude des Espagnols, le général des armées du roi d’Espagne en mai 1794, Toussaint Louverture, le leader noir, qui s’était déjà affranchi de l’autorité de Biassou, décida d’abandonner l’armée espagnole et de s’allier aux Français, convaincu que la liberté du peuple noir se trouvait désormais du côté de la République. En une année, à la tête de son armée composée de soldats noirs, mulâtres et blancs, il refoula les Espagnols jusqu’à Santo Domingo et élimina les derniers foyers de résistance des rebelles. En juillet 1795, auréolé de ses succès, le général Lavaux décida alors de nommer Toussaint Louverture général de brigade et de rétablir la paix dans le Nord.15

Grâce au dévouement de ses hommes, payant lui-même le prix du sang avec pas moins de dix-sept blessures de guerre, Toussaint Louverture reprit le contrôle de la région, neutralisant les Anglais, mettant en déroute les bandes insurgées de ses anciens alliés et obligeant les Espagnols à quitter le territoire français. Le 22 juillet 1795, par le traité de Bales, le Royaume d’Espagne, vaincu, capitula et signa un traité de paix avec la France, mettant fin au conflit, connu sous les noms de guerre du Roussillon ou de guerre de la Convention, qui opposait les deux pays depuis 1793, renonçant in fine à sa souveraineté sur l’île de Saint-Domingue.16

 

Le Nord noir de Toussaint Louverture vs le Sud mulâtre d’André Rigaud :

Pour reprendre le contrôle de Saint-Domingue, la métropole française, dépêcha à Saint Domingue, en 1798, le général Gabriel Marie Théodore Joseph, comte de Hédouville, comme gouverneur de la colonie de Saint-Domingue avec pour mission « de détruire l’autorité prépondérante du général en chef Toussaint Louverture » (Bellegarde, 1953).  Un tel plan macabre vise à semer encore plus de zizanie entre les deux rivaux André Rigaud et Toussaint Louverture.

Hédouville demanda à Louverture de procéder à l’arrestation de Rigaud lequel refusa ipso facto lui rappelant le concours décisif de Rigaud dans la défense de la République française et dans la lutte contre les Anglais. Louverture profita de cette avance inopportune pour se rapprocher de Rigaud, lui proposant alors de mettre de côté leurs différends et de tisser une alliance contre Hédouville au nom de l’intérêt du peuple de Saint-Domingue. Ce dernier, extrêmement orgueilleux, qui continua de voir Louverture comme son concurrent, s’allia plutôt à Hédouville pour éliminer Louverture. Quel idiot !

François-Marie Perichou de Kerverseau, chef des dragons de Saint-Domingue, tenta d’éclairer Hédouville que la réussite de sa mission se basa sur une bonne entente avec Toussaint Louverture, sans lui déguiser ses défauts.17« Les forces qui vous manquent, lui disait-il, vous les trouverez dans votre union intime avec le général T. Louverture. C’est un homme d’un grand sens, dont l’attachement à la France ne peut être douteux, dont la religion garantit la moralité, dont la fermeté égale la prudence, qui jouit de la confiance de toutes les couleurs, et qui a sur la sienne un ascendant qu’aucun contrepoids ne peut balancer. Avec lui, vous pouvez tout : sans lui, vous ne pouvez rien. Vous arrivez dans un pays dont les habitants sont bien éloignés du dernier terme de la civilisation. Le fétichisme fut de tout temps et est encore la religion des Africains. Ici, plus qu’ailleurs, l’enthousiasme pour le chef est le nerf de l’autorité ; et la loi, pour être respectée, a besoin du crédit de l’homme chargé de son exécution ».

Kerverseau l’expliqua comment il arriva à avoir une si haute opinion de Toussaint Louverture : « J’avais été frappé, dit-il, d’un mot de Sonthonax qui se connaissait en hommes, et qui, plus que personne, avait été à portée de l’apprécier. — Tous les noirs, me dit-il un jour, courent après les grades pour se procurer en abondance du tafia, de l’argent et des femmes. Toussaint est le seul qui ait une ambition raisonnée et quelque idée de l’amour de la gloire ».18

Le général Hédouville conspira plutôt contre Louverture et la République française. Louverture dénonça son comportement pervers dans une correspondance au Général en chef et à l’administration municipale du Cap, le 12 novembre 1798 dans laquelle on peut lire : « Bientôt j’apprends que le mal se propage dans toutes les communes, que le peuple demande à ses magistrats l’éloignement du général Hédouville ».19

À la fin de 1798, Louverture, le lieutenant-gouverneur de Saint-Domingue et général en chef de l’armée expulsa le comte de Hédouville qui laissa un cadeau empoisonné. En effet, il dégagea secrètement Rigaud de l’autorité du gouverneur Louverture et lui confia le commandement du Sud. « Je vous dégage de l’obéissance au général de l’armée de Saint-Domingue. Vous commanderez en chef toute la partie du Sud», écrivit-il à Rigaud. C’était préparer la guerre des épidermes et la partition de Saint-Domingue.20

Entre-temps, acculés par les forces du général en chef de cette même année, les Anglais finirent par abandonner leurs derniers bastions et signèrent un accord d’évacuation général en échange d’un partenariat commercial. Le Conseil des Cinq-cents, l’une des deux assemblées législatives du Directoire de 1795 à 1799, équivalent à l’Assemblée nationale d’aujourd’hui, décida alors de le nommer « Bienfaiteur de Saint-Domingue », grâce au soutien du gouverneur Lavaux, élu député et qui s’était lié d’amitié avec Toussaint Louverture. Le chef noir devint ainsi le leader emblématique et incontesté du peuple de l’île et notamment des exploités qui voyaient en lui l’espoir d’un affranchissement définitif et le symbole de leur aspiration à une vie décente.21

Surnommé une telle rébellion  la guerre des couteaux de 1800, ce conflit qui opposa deux chefs de guerre de la Révolution haïtienne, le Noir Toussaint Louverture et le mulâtre André Rigaud, pour le contrôle d’Haïti, une fois indépendante.22

Pendant la guerre civile du Sud, Louverture ordonna à Dessalines de massacrer 5000 rigaudins parmi lesquels à peu près 3000 noirs plus clairs (métis) à la Grand Anse. « J’avais ordonné de tailler l’arbre mais non de la déraciner », Toussaint Louverture regretta-t-il ? Cette malhonnêteté intellectuelle a largement contribué à créer la division de la famille haytienne.23

Acculé par les forces louverturiennes, le général André Rigaud prenait la poudre d’escampette avec quelques officiers, parmi lesquels Alexandre Pétion, pour se réfugier en France. « À certains égards – écrivit le P. Cabon – cette guerre civile fut un désastre pour la colonie. Elle opposa plus vivement que jamais le Sud au Nord et laissa subsister, entre ces départements, un ferment de discorde qui provoqua de vives réactions, souvent fâcheuses, pendant nombre d’années ».24

Malgré le traité de Bales de 1795, cédant la partie orientale de l’île à la Métropole française, le gouvernement français n’avait jamais pris sa possession officielle. Toussaint Louverture décida de réunir toute l’île sous son commandement. Le 27 janvier 1801, à la tête d’une armée de vingt-cinq mille hommes, il entrait à Saint-Domingue. Louverture procéda à l’unification de l’île et instaura la paix. Même certains colons en fuite rebroussaient chemin pour apporter leur contribution au développement de l’île Saint-Dominguoise.25

Louverture adopta une constitution le 2 juillet 1801 laquelle octroyait une certaine autonomie à l’île, l’émancipant sans rompre les liens avec la métropole. En fait, dans son article 3, la Constitution stipulait26 : « Tous les hommes y naissent, vivent et meurent libres et Français ». Elle portait aussi profondément l’empreinte des préoccupations religieuses et morales du bienfaiteur de Saint-Domingue. . Il croyait fermement que la religion et la famille sont les assisses essentielles de toute société et rappelle que « la religion catholique, apostolique et romaine est la seule publiquement professée. » Mais il ne voulait pas que l’église formât un corps dans l’État. « Le gouverneur assigne à chaque ministre de la religion l’étendue de son administration spirituelle » et que « ses ministres ne peuvent jamais, sous aucun prétexte, former un corps dans la colonie ».

Par contre, affirme Bellegarde (1953), sa haine pour le vodou était totale. Il savait, par expérience personnelle, que les cérémonies du culte vodouique  n’était que prétexte à des réunions politiques où, dans les secret des « houmforts » et dans l’exaltation des danses spirituelles, se préparaient les complots contre l’autorité ou les attaques contre la propriété ; or il était lui-même « l’autorité » et il s’était fait le défenseur de la propriété – que l’article 18 de la Constitution déclarait « sacrée et inviolable ».

Toujours fidèle à la France, Louverture soumit la Constitution de 1801 au pré-consul français Napoléon Bonaparte par une correspondance dans laquelle le premier esclave affranchi l’adressa d’égal à égal. « Du premier des Noirs au Premier des Blancs », écrit-il alors. Le père de la négritude, Aimé Césaire lui a rendu un hommage mérité en avouant que ce premier gouverneur noir, Toussaint Louverture, avait conquis la liberté pas seulement pour son pays mais aussi «pour les nègres du monde entier».27

Louverture prôna la réconciliation entre toutes les catégories ethniques. Il appela à la concorde tous les habitants de l’île afin d’édifier un avenir prospère pour Saint-Domingue. Lorsque le gouverneur apprit que son neveu adoptif, le général de division Moïse, se comportait comme un despote et opprimait la population blanche et métissée, mettant en danger l’équilibre précaire de la nouvelle société, ce dernier fut passé par les armes avec douze autres le 24 novembre 1801 après un jugement réalisé au Grand Fort de Port-de-Paix.28 À noter, Moise, connu aussi comme l’inspecteur général des cultures, en organisant l’insurrection dans le Nord, cherchait « l’extermination des blancs, l’union des noirs et des jaunes, et l’indépendance de son pays ».29

Le Spartacus Noir, tel est le surnom conquis par Toussaint dans sa lutte pour la liberté, se consacra à la construction de l’île et au développement de son économie, afin de permettre à ses habitants d’accéder à une existence digne. L’accent fut mis sur l’agriculture et l’édification d’infrastructures. Des écoles fleurirent partout sur le territoire afin de permettre l’émancipation des habitants par l’éducation. Toutes ces mesures furent menées de main ferme et il n’y eut guère d’espace pour les protestations et les mécontentements. Les déviations furent sanctionnées avec autorité, parfois de façon cruelle et excessive, notamment dans les campagnes. Napoléon Bonaparte lui-même reconnut la qualité de « l’ordre de travail établi par Toussaint, qui, déjà, était couronné par d’heureux succès».30

 

L’expédition de Leclerc et la conspiration américano-française pour rétablir l’esclavage sur l’île de Saint-Domingue

Bonaparte renia les idéaux révolutionnaires de Louverture et décida manu militari de rétablir l’esclavage pour 500.000 habitants noirs sur l’île de Saint-Domingue. Thomas Jefferson, 3e président américain, un esclavagiste patenté, grand propriétaire d’esclaves sur ses plantations, soutint avec enthousiasme l’initiative raciste de Bonaparte. Dans une correspondance, il écrivit au monarque français : « Rien ne serait plus facile pour nous que de fournir votre armée et votre flotte avec tout le nécessaire, et réduire ainsi Toussaint Louverture à la famine ».31

Passant de la parole aux actes, Bonaparte évoque sa décision « d’anéantir à Saint-Domingue le gouvernement des Noirs » dans une missive datée du 13 novembre 1801 adressée à Charles-Maurice Talleyrand, son ministre des Affaires Étrangères. Et, dans un courrier expédié le 14 décembre 1801 au premier citoyen Louverture de l’île de Saint-Domingue, Toussaint Louverture, « l’héritier noir des lumières », l’arrogante pédérastie Bonaparte l’informa son intention de reprendre le contrôle de la République française, tout en lui rappelant que : « Nous envoyons le citoyen Leclerc, notre beau-frère, en qualité de capitaine général, comme premier magistrat de la colonie. Il est accompagné de forces suffisantes pour faire respecter la souveraineté du peuple français ». 32

Le gouverneur de Saint-Domingue Louverture répondait au premier consul français que son représentant serait reçu avec « le respect de la piété filiale » mais rappelez-vous que la liberté conquise par la lutte serait mortellement défendue : « Je suis un soldat, je ne crains pas les hommes ; je ne crains que Dieu ; s’il faut mourir, je mourrai comme un soldat d’honneur et qui n’a rien à se reprocher ».33

Finalement, le 1e février 1802, le général français Victor-Emmanuel Leclerc débarqua au Cap-Français en conquérant et exigea du commandant de la ville, Henry Christophe, une rédition pure et simple sans quoi « la colère de la République le dévorera comme le feu dévore des cannes desséchées » 34, fulmina-t-il.

Christophe ne se laissa pas intimider par les menaces abracadabrantes et grossières de l’envahisseur et déclencha une opération de résistance : « Les proclamations que vous apportez respirent le despotisme et la tyrannie. Je vais faire prêter à mes soldats le serment de soutenir la liberté au péril de leur vie…Si vous avez la force dont vous me menacez, je vous prêterai toute la résistance qui caractérise un général ; et si le sort des armes vous est favorable, vous n’entrerez dans la ville du Cap que lorsqu’elle sera réduite en cendres, et même sur ces cendres, je vous combattrai encore…».35 Christophe, rapporte Dantès Bellegarde (1953), incendia la ville, en mettant le feu d’abord à son propre palais. L’armée française, en débarquant au Cap, n’y trouva que des décombres fumants.

Bonaparte déporta les fils de Louverture qui étudiaient en France depuis 1796 pour émouvoir sa sensibilité. Le gouverneur resta inflexible laissant à ses fils le choix de prendre parti pour lui ou pour la France. Isaac, chair de sa chair, noir comme lui, rapporta Bellegarde (1953), se décida pour la France en s’écriant : « Je ne peux combattre celle qui m’a fait un homme en me conférant la dignité de la pensée ». Placide, le mulâtre, son fils adoptif pourtant se jeta dans ses bras en déclarant : « Je ne peux abandonner celui qui m’a fait un homme en me donnant la liberté ». Louverture prit Placide par la main, poursuit Bellegarde (1953), le présenta à sa garde d’honneur massée sur la place d’armes, en disant à ses grenadiers : « Voilà mon fils Placide. Je le nomme commandant. Il est prêt à mourir pour votre cause ».

Lorsque Louverture apprit que le général bonapartiste Rochambeau avait fait massacrer les soldats de Fort-Liberté le 4 février, il lui fit parvenir une missive contenant un serment : « Je combattrai jusqu’à la mort pour venger […] ces braves soldats ». 36

Au pro-consul Bonaparte, le libérateur Louverture rappela que la Constitution de Saint-Domingue ne reconnaissait pas Leclerc comme capitaine-général et que ses troupes répandaient partout le carnage et la dévastation. « De quel droit, veut-on exterminer, par le fer et par le feu, un peuple grossier, mais pas innocent ? » questionna-t-il. S’agissait-il de l’aspiration à l’indépendance ? Pourquoi non ? « Les États-Unis d’Amérique ont fait  comme nous ; et avec l’assistance du gouvernement français, ils ont réussi à consolider leur liberté ». S’agissait-il de son autorité ? « Le poste élevé que j’occupe n’est pas de mon choix ; des circonstances impérieuses m’y ont placé contre mon gré ».37

 

La trahison de Bonaparte et l’assassinat de Toussaint Louverture

« Alexandre Pétion, le commandant de l’artillerie revenu d’exil dans l’armée révolutionnaire lança un nouvel assaut sur la Crête-à-Pierrot qui resta également infructueux. Manquant de munitions, d’eau et de vivres et ne recevant pas les renforts que Dessalines était allé chercher au dehors, les assiégés résolurent d’évacuer la Crête-à-Pierrot. »38

« Bien que les résultats militaires obtenus fussent importants. Leclerc estima qu’ils ne compensaient pas suffisamment les pertes considérables subies par son armée. Il crut sage d’adopter une autre méthode pour la pacification de la colonie en entrant en pourparlers avec Toussaint Louverture. Il commença par  sonder, en vue de la paix, Christophe et Dessalines. »39

« Le sort des armes lui étant défavorable, le général noir, s’inclina devant le destin en faiant sa soumission le 5 mai 1802. Toussaint Louverture obtint en retour l’autorisation de se retirer à Ennery, sur l’une de ses habitations. Mais Leclerc n’avait aucune confiance dans la sincérité du général noir, il le faisait étroitement surveiller. »40

Louverture subit des humiliations quotidiennes de la part de l’armée coloniale, qui se rendait sur les propriétés pour en détruire ses récoltes. Toussaint Louverture dans ses mémoires rappelle ce douloureux épisode41 : « Tous les jours, je n’éprouvais que de nouveaux pillages et de nouveaux vexations. Les soldats qui se portaient chez moi étaient en si grand nombre, que je n’osais pas même les faire arrêter… » Bonaparte jugea alors que sa présence dans l’île était trop dangereuse et décida de procéder à son arrestation. Violant l’accord conclu, le général Leclerc, sur ordre du consul, chargea le général Brunet, commandant militaire de la zone d’Ennery, de l’opération.

Le 7 juin 1802, le général Brunet invita Toussaint Louverture avec toute sa famille dans sa demeure sous le fallacieux prétexte d’évoquer différents problèmes rencontrés. Il l’assura de ses meilleures dispositions à son égard et vilipenda même les « malheureux calomniateurs » qui accusaient le leader noir de fomenter la sédition : « vos sentiments ne tendent qu’à ramener l’ordre et la tranquillité dans le quartier que vous habitez » écrivit Brunet dans une lettre à Toussaint.42

Accompagné de deux officiers, Toussaint Louverture décida de se rendre chez le général Brunet. Après les salutations d’usage, il fut conduit dans une chambre où l’attendait le représentant bonapartiste. Ce dernier prétextant une urgence, quitta la pièce. La suite est contée dans les mémoires du leader haytien : « À peine était-il sorti, qu’un aide de camp du général Leclerc entra accompagné d’un très grand nombre de grenadiers, qui m’envisagèrent, s’emparèrent de moi, me garrotèrent comme un criminel et me conduisaient à bord de la frégate la Créole. Je réclamai la parole du général Brunet et les promesses qu’il m’avait faites, mais inutilement ; je ne le revis plus ».43

Le 7 juin 1802, on l’embarqua avec sa famille sur un vaisseau, le Héros – qui le transporta en France. En mettant le pied sur le pont du navire, Toussaint Louverture prononça ces paroles prophétiques44 : « En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc d’arbre de la liberté des noirs ; il repoussera par ses racines parce qu’elles sont nombreuses et profondes ».

À son arrivée en France en août 1802 avant d’être jeté dans les geôles du Fort de Joux sur les hauteurs du Jura, Toussaint Louverture aborda le port de Brest où il resta pendant plus de deux mois sans sortir du bateau, écrit Thomas Madiou45« Après un pareil traitement, ne puis-je pas à juste titre demander où sont les effets des promesses qui me furent faites par le général Leclerc sur sa parole d’honneur, ainsi que la protection du gouvernement français ? », s’interrogeait-il ?

« Sans doute je dois ce traitement à ma couleur…ma couleur m’a-t-elle empêché de servir ma patrie avec zèle et fidélité ?, souligna-t-il. Il ajouta : « Était-il besoin d’employer cent carabiniers pour arrêter ma femme et mes enfants sur leurs propriétés, sans respect et sans égard pour le sexe, l’âge et le rang ; sans humanité et sans charité ? Fallait-il faire le feu sur les habitations, sur ma famille, et faire piller et saccager toutes mes propriétés ? Non, ma femme, mes enfants, ma famille ne sont chargés d’aucune responsabilité. Ils n’avaient aucun compte à rendre au gouvernement ; on n’avait pas même le droit de les faire arrêter ».46

« Jamais prisonnier politique ne fut plus cruellement traité. Toussaint Louverture mourut misérablement le 7 avril 1803, et son corps fut jeté dans une fosse commune. Coïncidence étrange de l’histoire, pendant que se débattait dans les affres de l’agonie le grand Précurseur de l’indépendance haytienne, un autre chef de la Révolution de Saint-Domingue, son adversaire de 1800, André Rigaud, gémissait dans une autre cellule voisine du fort de Joux, victime comme lui de Bonaparte, sous qui perçait déjà Napoléon ».47

Un écrivain américain, Percy Waxman48, dans son livre Black Napoléon, a résumé d’une manière heureuse la carrière extraordinaire de Toussaint Louverture cité dans le livre de Dantès Bellegarde :

« Comment un Nègre, ayant vécu environ cinquante ans dans l’esclavage, résolut de libérer son peuple, s’éleva à la position suprême de gouverneur général de Saint-Domingue, encourut la haine de Napoléon Bonaparte et finit par mourir dans un donjon de la frontière franco-suisse, c’est là réellement l’un des récits les plus fantastiques de l’histoire, débutant avec la découverte même du Nouveau Monde par Christophe Colomb…Tous les écrivains qui se sont occupés de Toussaint Louverture emploient le mot « extraordinaire » en le dépeignant. Même ceux qui ont le plus haï son nom ont dû reconnaitre ses qualités incontestables de chef militaire et d’organisateur politique…Il n’y a pas d’opinion modérée à son sujet : Il est dieu ou démon ».

« Peu d’hommes dans l’histoire ont été l’objet de louanges plus excessives ou d’accusations plus amères ». Jacques de Norvins, dans son livre sur Napoléon, appelle Toussaint un « homme de génie ». » 

Beauchamp parle de lui comme « l’un des hommes les plus extraordinaires d’une époque où tant d’hommes extraordinaires ont paru sur la scène du monde ».

Auguste Comte, dans son Calendrier Positiviste, l’a inscrit, avec Washington, Platon, Boudha et Charlemagne, parmi ceux qu’il  présente comme dignes de remplacer les saints du calendrier grégorien.

Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, accuse Napoléon Bonaparte non seulement d’avoir fait mourir Toussaint Louverture mais encore de l’avoir imité de son vivant…Autant qu’il est possible de comparer la vie d’un nègre né dans la servitude avec celle d’un blanc né dans la liberté, on trouve sur certains points, dans la carrière des deux hommes, un parallélisme étonnant. Toussaint et Napoléon sont tous les deux parvenus aux plus hauts sommets grâce à leur génie et à l’habilité avec laquelle  ils ont su se servir des circonstances. Tous les deux, ils sont devenus fameux non seulement comme chefs militaires mais comme organisateurs politiques…Même dans certains incidents de leur existence privée on peut trouver d’étranges rapprochements…Peu de temps avant sa mort, Napoléon dit à son secrétaire Las Cases : « J’ai à me reprocher mon entreprise contre Saint-Domingue. J’aurais dû me contenter de gouverner la colonie par l’intermédiaire de Toussaint Louverture ».

 

Conclusion

Dantès Bellegarde (1953)  dans le chapitre VI de son livre titré « Toussaint Louverture » conclut en ces mots49 : « Par sa victoire temporaire sur Toussaint Louverture, Napoléon Bonaparte avait coupé le tronc de l’arbre de la liberté à Saint-Domingue. Mais les racines de l’arbre étaient nombreuses et avaient profondément pénétré dans le sol arrosé du sang des martyrs. Et l’arbre allait reverdir et fleurir de nouveau. Et bientôt, sur les hauteurs de Vertières, noirs et mulâtres unis iront cueillir le fruit de leur héroïsme : l’indépendance ».

Et, « cet homme fut une nation » écrivait Alphonse de Lamartine. Toussaint déclarait aux siens que : « Je suis Toussaint Louverture ; mon nom s’est peut-être fait connaître jusqu’à vous. J’ai entrepris la vengeance de ma race. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister ». Il visait sans ambages l’indépendance de l’île de Saint-Domingue.

« Au nom des Noirs et des hommes de couleur, l’indépendance de Saint-Domingue (Haïti) est proclamée. Rendus à notre dignité primitive, nous avons assuré nos droits ; nous jurons de ne jamais céder à aucune puissance de la terre », a-t-il juré.

Pourtant, en plein bicentenaire de l’Indépendance nationale, des jeunes et vieux d’Hayti, crachent leur venin sur Toussaint Louverture, vociférant qu’il est mort général français et fut un traitre. Ignorant leur histoire, ces idiots sonores persistent à régurgiter leur haine viscérale et virulente par méconnaissance de « l’héritier noir des lumières » que  Lamrani (2019) 50a eu l’ultime courage de faire valoir : « En 1791, dit-il.Toussaint Louverture, fidèle au principe selon lequel les droits naturels de l’être humain étaient imprescriptibles, reprit le flambeau de la lutte pour l’émancipation, tout comme le légendaire gladiateur romain, revendiquant ainsi le droit du peuple noir à la liberté ».

Lamrani (2019) ajoute que : « L’insurrection des exploités brisa les chaînes de l’asservissement colonial et ouvrit la voie à l’indépendance d’Haïti, première nation du Nouveau-Monde à conquérir sa liberté. L’influence décisive de Toussaint Louverture et du peuple haïtien dans l’indépendance de l’Amérique latine n’est toujours pas considérée à sa juste valeur. Les esclaves noirs de Saint-Domingue, en menant une lutte acharnée contre les oppresseurs français, montrèrent le chemin de l’affranchissement aux peuples assujettis du continent et changèrent le cours de l’Histoire ».

Méconnu d’une grande part du public, celui qui fut une des figures de la Révolution française est et surtout le grand héros de l’indépendance d’Hayti.51

Reconnu comme le père de l’émancipation des esclaves, Toussaint Louverture est le premier leader noir à avoir vaincu les forces d’un empire colonial européen.51

Vengeur de sa race, « premier organisateur de la nation » et « précurseur de l’indépendance d’Hayti », Fatras Bâton, confirme www.geo.fr (2019)52, voulait faire de Saint-Domingue une colonie noire et autonome. Mais il a vite compris que cette vision rencontrera des obstacles. Aussi, déclara-t-il. dans un discours au Môle Saint-Nicolas qu’« Il est facile d’abattre l’arbre de la liberté, mais pas si facile de lui redonner vie ».53

Louverture, cet homme politique est considéré comme un génie militaire français certes puisque la colonie de Saint-Domingue appartenait à la France après que l’Espagne céda la partie orientale mais ses ennemis-détracteurs oublient sélectivement qu’il fut élevé aussi au rang du général des armées du roi d’Espagne. François Dominique Toussaint Louverture alias Fatras Bâton, à partir du 9 mai 1801 proclama une constitution autonomiste qui lui donnait les pleins pouvoirs à vie.

Trahi par Bonaparte, kidnappé dans son pays, emprisonné et assassiné en France, la révolte contre les esclavagistes français a connu une perturbation temporaire entre juin et octobre 1802 lorsque les défections se produisaient parmi les officiers de l’armée indigène.

L’adjudant général Alexandre S. Pétion, ancien lieutenant d’André Rigaud revenu à Saint-Domingue avec l’expédition Leclerc et cantonné au Haut du Cap reçu une visite inattendue de Dessalines. Trois jours après cette conversation secrète, dans la nuit du 13 au 14 octobre 1802, raconte Bellegarde (1953)54, Pétion aidé du général Augustin Clerveaux, prit les armes contre les Français (menés par le général Donatien de Rochambeau). Le 17 octobre, ce fut le tour de Dessalines à la Petite-Rivière de l’Artibonite.

L’armée française, la plus puissante du monde à l’époque, une fois leurs fesses bossées par leurs anciens esclaves en colère, le général raciste Rochambeau et ses troupes durent évacuer le Cap Français en novembre 1803 après la bataille de Vertières.

Dessalines et les autres pères-fondateurs finalisèrent ce que Louverture anticipait depuis le 29 août 1793 lorsqu’il lança sa proclamation en se présentant comme le leader noir : « Déracinez avec moi, dit-il, l’arbre de l’esclavage. » L’indépendance d’Haïti sera proclamée le 1e janvier 1804. De quel droit minimise-t-on la contribution incontestable de Louverture dans l’émancipation des esclaves dans la colonie française ?

Fatras-Bâton avait entendu et compris le message moderniste lancé par le commissaire français Léger-Félicité Sonthonax, premier législateur abolitionniste français, en promulguant l’abolition générale de l’esclavage55 : « Ayez le courage de vouloir être un peuple et vous égalerez les nations européennes ». C’est ce que Louverture a fait et il a lui-même quitté son message55 : « Je place ma considération dans le respect de mes concitoyens, mes honneurs dans leur attachement, ma fortune dans leur fidélité désintéressée ».

En plein bicentenaire, on devrait se demander honnêtement combien de nous seraient vraiment des descendants de Toussaint Louverture, peu importe ses faiblesses et imperfections parce qu’il était humain comme nous le sommes ? Un leader fougueux, rationnel, courageux, révolutionnaire et visionnaire qui mariait mémoire (Ibo Lele) et connaissance (Damballah Wedo) pour nous léguer une nation. N’est-ce-pas Alphonse de Lamartine qui écrivait que : « C’est homme fut une nation » ?

Que cet article combien informatif et instructif apporte de la lumière aux yeux des récalcitrants, des haineux et surtout des méconnus de Toussaint Louverture pour « activer et réveiller le pouvoir spirituel à l’intérieur de tout un chacun pour qu’on ne soit pas mangé par les fourmis ».56

 

Que faire ?

On doit récupérer notre liberté aux mains des nations malveillantes depuis l’Initiative d’Ottawa en 2003 ou les gouvernements canadiens, français et américains ont décidé de « suspendre l’indépendance d’Hayti ». La professeure Bayyina Bello (2022) croit éperdument qu’on peut reprendre notre liberté – à pouvoir  faire ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui.

Bello rappelle que57 : « Devant nous, il n’y a que des cafards. Le conditionnement scolaire et ecclésiastique nous fait croire que les Euro-Chrétiens ont du pouvoir.  Ils n’ont que la force, la force pour déstabiliser, la capacité à mentir, à faire des menaces et à faire peur. Tout est de la force et non du pouvoir. Réveillons le pouvoir qui dort en nous. On les regarde, on ouvre les yeux sur eux et ils sauront se conformer », a-t-elle conclu à l’émission Lumière sur le monde animée par le docteur Jean Fils-Aimé, le 28 décembre 2022, envoyant un message solennel à l’occasion de la nouvelle année 2023 laquelle sera, écrit la rédaction du bimensuel Le Novateur, l’année de la libération du peuple haytien et de la restauration de la souveraineté d’Hayti ébréchée depuis l’Initiative d’Ottawa en 2003.

On profite pour remercier élogieusement ce grand héros noir François-Dominique Toussaint Louverture, précurseur de la fondation de la nation haytienne, qui s’est sacrifié pour faire jouir le droit inaliénable de justice et de liberté aux siens. Francisque Jean-Charles, 5 février 2023

 

Références bibliographiques :

  1. Donnadieu, J. L. & P. Girard (2013-2014) « Nouveaux documents sur la vie de Toussaint Louverture », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, numéro 166-167, septembre 2013, décembre-janvier-avril 2014.
  2. https.//fr.wikipedia.org
  3. (https.//gallica.bnf.fr)
  4. https://www.lhistoire.fr.

5.BANCARE, Gilles, « Les 49 éditions de l’Histoire des deux Indes » dans : Annales de la Société d’Etudes Millavoises, 2007

  1. Cauna, J. de (2012). « Dessalines, esclave de Toussaint ? », Outre-Mers, Revue d’Histoire, juin. https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2012_num_99_374_4936 (site consulté le 11 mars 2019).
  2. Beaubrun Ardouin, 1847. (Étude sur l’histoire d’Hayti, Tome IÉtude sur l’histoire d’Haïti Dezobry et E. Magdeleine, Lib.-éditeurs, 1853 (Tome 1, p. 133-163).

8.- https://www.persee.fr

  1. Revue de la Révolution française, « Plan pour la conquête de Saint-Domingue (1806) », Volume 8, 188
  2. Fouchard, J.(1972). Les marrons de la liberté, Paris, Éditions de l’École.
  3. Robespierre, M.(1791). Discours contre l’esclavage, 13 mai.
  4. https.www.abolitions.com

13.Bernard Gainot. (2018). Dans l’histoire militaire de la France

  1. www.humanite.fr
  2. Dorigny, M. (dir.) (2005), Léger-Félicité Sonthonax. La première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue, Paris, Société française d’histoire d’Outre-Mer et Association pour l’étude de la colonisation européenne, (1reédition, 1997).

16.Beaubrun Ardouin (1853) Étude sur l’histoire d’Haïti. Tome 3, p. 406-449)

17.Cité par Victor Schoelcher dans Vie de Toussaint Louverture, Paris, Éditions Kathala, 1982 (réédition), p. 242.)

  1. F. Gauthierdans Annales Historiques de la Révolution Française, 293, 1993 : 556.

19.Bernard Milot, Revue d’histoire moderne & contemporaine2021/3 (n° 68-3)

  1. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  2. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  3. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  4. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  5. (http://www1.rfi.fr)
  6. Napoléon Bonaparte, Correspondance de Napoléon 1er, « Au Citoyen Talleyrand », 13 novembre 1801, n° 5863, Tome septième, Paris, Plon/Dumaine, 1861, p. 320.

26.Napoléon Bonaparte, « Courrier au Général Toussaint Louverture », 18 novembre 1801, Société de l’Histoire des colonies françaises, Lettres du Général Leclerc, Commandant en Chef de l’Armée de Saint-Domingue en 1802, Paris, 1937, p. 307. https://www.persee.fr/doc/sfhom_1961-8166_1937_edc_6_1 (site consulté le 4 mai 2019)

  1. Jacques de Cauna, Toussaint Louverture et l’Indépendance d’Haïti : Témoignes pour un bicentenaire. Éditions Karthala et société française d’Histoire d’outre-mer, 2004)
  2. Charles Malo, Histoire d’Haïti (ïle de Saint-Domingue) depuis sa découverte jusqu’en 1824, Paris, Louis Janet & Ponthieu, 1825, p. 461.
  3. Histoire d’Haïti, t.2, p.128
  4. Napoléon Bonaparte, Mémoires de Napoléon, Paris, Bibliothèque historique et militaire, 1842, Tome sixième, p. 326.
  5. Toussaint Louverture, Mémoires du Général Toussaint Louverture, op.cit., p. 40.
  6. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  7. Ibid., p. 46.

34.Ibid., p. 110, 112.

  1. Thomas Madiou, Tome II, 1799-1803, PAP.Éditions Henri Deschamps, 1989 (…)
  2. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  3. V. Général Nemours : Histoire militaire de la guerre d’indépendance de Saint-Domingue, tome II, page 200.
  4. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  5. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  6. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  7. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  8. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  9. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  10. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.

45.Thomas Madiou, Tome II, 1799-1803, PAP.Éditions Henri Deschamps, 1989 (…)

46.Thomas Madiou, Tome II, 1799-1803, PAP. Éditions Henri Deschamps, 1989 (…)

47.Thomas Madiou, Tome II, 1799-1803, PAP. Éditions Henri Deschamps, 1989 (…)

48.Percy Waxman, TheBlack Napoleon, New York, Harcourt, 1931, p. 5. [2].

  1. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  2. Salim Lamrani (2019).Toussaint Louverture, la dignité révoltée Brève histoire du précurseur de l’indépendance d’Haïti.  Docteur ès Études Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV.
  3. www.humanité.fr
  4. Pierre Ancery, (2021). Toussaint Louverture, le révolté d’Haïti. Echo de Presse

53.https://citation-celebre.leparisien.fr

  1. Dantès Bellegarde, 1953. Histoire du peuple haïtien.
  2. https://www.jesuismort.com
  3. Bayyina Bello (2022). www.lumieresurlemonde.com
  4. Bayyina Bello (2022). www.lumieresurlemonde.com

                                                            Francisque Jean-Charles, 5 février 2023

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