« OCCULTER L’HISTOIRE »

[…] L’historien Wladir Ramonelli a pressé le pape de relire Bartolomeo de Las Casas (1474-1566), ce dominicain espagnol qui avait dénoncé les atrocités commises par les Conquistadors. « Un Indien païen vivant est toujours préférable à un Indien chrétien mort » : ce mot de Las Casas résonna longtemps dans le « Nouveau Monde » où soumettre les habitants à la Couronne (espagnole et portugaise) et les évangéliser étaient les deux faces d’une même réalité.

La polémique déborde le Brésil. Directeur de l’Organisation indigène de Colombie, Luis Andrade a déclaré, lundi 14 mai à Bogota : « Nier que l’imposition de la religion catholique a été utilisée comme un mécanisme de domination des peuples indigènes, c’est vouloir occulter l’Histoire ».

Révisionniste, Benoît XVI ? Son propos a d’autant plus surpris que la demande de pardon de son prédécesseur, il y a quinze ans, avait touché les populations amérindiennes. Sans doute n’a-t-il pas voulu s’appesantir sur un « repentir » qui n’avait pas fait l’unanimité dans son Eglise. Mais à une époque où les communautés indiennes militent encore pour la reconnaissance de leurs cultures, comment dire que l’évangélisation n’a comporté « à aucun moment » une aliénation des cultures précolombiennes et qu’elle a constitué pour elles une forme de « purification » ?

Qui pourra jamais connaître le bilan des victimes d’une évangélisation au fil de l’épée ? Au drame des Indiens dépossédés de leurs terres, de leurs croyances, contraints à la conversion ou à la mort, s’était ajoutée la traite des Noirs. « Le peuple latino-américain, avait dit en 1992 un évêque brésilien, est fait de pauvres solidaires qui, au fond de leur agonie et de leur crucifixion, annoncent le salut aux descendants de ceux qui les ont humiliés ».

 

Henri Tincq, Le Monde du 16 mai 2007

 

Benoît XVI reconnaît les « injustices » de l’évangélisation en Amérique

[Reuters – sur NOUVELOBS.COM, le 23 mai 2007]

Le pape Benoît XVI a reconnu, à l’occasion de son audience hebdomadaire mercredi 23 mai, la part de « souffrances » et « d’injustices » provoquées par la colonisation et l’évangélisation de l’Amérique.

« On ne peut ignorer les ombres » ni « oublier les souffrances et les injustices infligées par le colonisateur aux peuples indigènes, dont les droits humains fondamentaux ont été piétinés », a déclaré le pape, évoquant son récent voyage au Brésil.

Contradiction

Pourtant, le 13 mai, Benoît XVI avait déclaré devant les évêques d’Amérique latine réunis à Aparecida, au Brésil, que l’évangélisation des Indiens d’Amérique « n’a comporté à aucun moment une aliénation des cultures précolombiennes et n’a pas imposé une culture étrangère ».

Le « Christ était le sauveur que les indigènes désiraient silencieusement », avait-il ajouté.

Son prédécesseur Jean Paul II avait, en 1992 à Saint-Domingue, demandé pardon auprès des populations indigènes pour les violences commises par les chrétiens dans la conquête de l’Amérique.

Vague de protestation

Les déclarations de Benoît XVI ont provoqué une vague de protestation en Amérique. Le président du Venezuela, Hugo Chavez, lui a demandé de présenter ses excuses.

Le pape a également déclaré mercredi que les « crimes injustifiables » de la colonisation avaient été condamnés en leur temps par des missionnaires, comme Bartolomée de las Casas. Dans le même temps, il a souligné « l’oeuvre merveilleuse » accomplie « avec la grâce de Dieu » par les évangélisateurs en Amérique latine ainsi que l’intégration « des riches traditions précolombiennes » dans la religion chrétienne.

 

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